source : http://fr.rian.ru/analysis/20071005/82580046.html

05/10/2007 13:10

Par Dmitri Zamolodtchikov, du Centre d'études des problèmes d'écologie et de productivité des forêts, pour RIA Novosti

Le réchauffement global perturbe chaque jour davantage les écosystèmes naturels. Ce phénomène est particulièrement perceptible au niveau des forêts. Or celles-ci jouent un rôle très important dans la régulation de la composition de l'atmosphère, de la stabilité du sol, du réseau hydrologique ainsi que dans le maintien de la biodiversité. Les forêts russes représentent 22 % des réserves forestières mondiales et ont, de ce fait, une forte incidence sur ces paramètres. Il est donc important de savoir à quel point le réchauffement climatique de la planète constitue une menace pour elles.

Les massifs de résineux et de feuillus situés dans les continents d'Eurasie et d'Amérique du Nord sont ceux qui subissent le plus de transformations dans le cadre d'un réchauffement climatique. On observe alors un déplacement vers le Nord des frontières forêt/toundra et forêt/steppe. Selon le IVème rapport du groupe international d'experts pour l'étude du changement climatique, si la tendance actuelle à l'augmentation des rejets de gaz à effet de serre se maintient, alors la température augmentera d'ici 2100 de près de 4°C. Si les rejets provoqués par l'activité humaine se stabilisent, alors la croissance pourrait se limiter à 2°C.

Dans le premier cas (augmentation de la température de 4°C), sur l'ensemble du territoire de la Russie démarrera un processus de recul des forêts du Sud vers des latitudes plus élevées d'une ampleur plus grande que celui de l'avancement des frontières forestières vers le Nord. Cette déforestation naturelle concernera pratiquement toute la ceinture centrale de la Russie européenne et de la Sibérie occidentale. Par contre, si l'élévation de la température ne dépasse pas les 2°C, alors la migration "verte" ne concernerait que le sud de la Sibérie occidentale, et l'on aurait même un accroissement de la superficie globale des forêts, celles-ci gagnant des territoires sur la toundra actuelle.

Les modifications de frontière des zones végétales ne se font jamais sentir instantanément. Elles ont toujours un léger retard par rapport aux changements climatiques. Pour que le revêtement végétal se modifie, il faut du temps, et ce temps se calcule en dizaines, voire parfois en centaines d'années. Les chercheurs de l'Institut de physique de l'atmosphère de l'Académie des sciences de Russie ont étudié attentivement les changements de végétation qui interviendraient en Russie en cas d'augmentation de la température de 1°C, comme cela est prévu pour les prochaines décennies (2030-2050).

Une disparition massive des forêts russes n'est pas envisagée, mais de sérieuses pertes seront tout de même enregistrées. Dans la zone située entre la Volga et la Viatka ainsi que dans la haute Oka, plusieurs forêts de pins disparaîtront. Des mutations des communautés végétales commenceront sur 70 % de la superficie couverte de pinèdes, et sur la moitié du territoire couvert de sapinières.

Seulement 1/5e des forêts mixtes et des chênaies, moins sensibles au réchauffement, seront concernées par ce phénomène. Les feuillus de Sibérie orientale s'avèrent plus résistants avec moins de 5 % des surfaces concernées par la mutation. Ces résultats concordent avec les prévisions du groupe international d'experts pour l'étude du changement climatique, selon lesquelles 30 % des forêts de pins et de sapins auront disparues d'ici 2100.

Le réchauffement global est l'objet de débats animés depuis une vingtaine d'années. Pourtant ce phénomène a commencé il y a plus d'un siècle, un délai suffisant pour que certaines mutations aient déjà eu lieu et que, dans certaines régions, le déplacement des frontières de la végétation soient déjà bien visibles. Les études menées dans la zone arctique de l'Oural par les chercheurs de l'Institut d'écologie des plantes et des animaux du département de l'Oural de l'Académie des sciences de Russie ont montré que des modifications significatives ont eu lieu au niveau de la répartition géographique des communautés végétales. Ainsi, en 90 ans (de 1910 à 2000), la part de la toundra qui représentait traditionnellement 76 % de la superficie de cette région est descendue à 59 %. Dans le même temps, la part des forêts impénétrables a augmenté, passant de 1 à 10 %. Les forêts éparses ont, elles aussi, gagné en surface (de 11 à 18 %), quant aux forêts de feuillus elles ont "grimpé" dans les montagnes de 60 mètres atteignant ainsi les 320 mètres de hauteur (contre 260 mètres auparavant). Les raisons de ces changements de la végétation dans la zone polaire de l'Oural sont liées au réchauffement local dont la courbe est légèrement supérieure à celle du réchauffement global.

Outre l'action directe exercée par le changement climatique et qui entraîne un déplacement des limites des zones forestières, des effets indirects, également importants, sont enregistrés. En premier lieu, les incendies de forêt deviennent plus fréquents, non seulement en raison d'une élévation de la température et de la sécheresse de l'air, mais aussi en raison de l'allongement de la période chaude et d'une plus grande activité orageuse.

Selon le Centre d'études des problèmes d'écologie et de productivité des forêts de l'Académie des sciences, un réchauffement de 2°C augmentera le nombre et la superficie des incendies de forêts en Russie de 1,5 à 2 fois. Notons que les incendies dans les forêts et autres écosystèmes naturels accélèrent bien souvent les processus de mutation de la végétation.

Les exemples que nous venons de citer n'épuisent pas la liste des conséquences du changement de climat sur les forêts. L'arrachage des forêts qui se poursuit encore de nos jours dans les régions tropicales de la planète conduit à accroître d'environ 25 % la teneur en rejets technologiques dans l'atmosphère. Les travaux de replantation des forêts tentent de contrecarrer cette tendance. En effet, les massifs forestiers absorbent les gaz à effet de serre réduisant d'autant l'influence du facteur climatique. Il est reconnu que les mesures de protection, de gestion et de replantation des forêts sont l'un des moyens les plus efficaces en matière de lutte contre le réchauffement global.

Malheureusement, le volume des travaux de replantation des forêts a diminué en Russie de plus de moitié par rapport à 1990, passant de 1,8 million d'hectares reboisés à 800 000 hectares par an. La création d'écrans boisés pour protéger les sols de l'érosion a diminué davantage, passant de 90 000 ha à 12 000 hectares par an. Le recours aux mécanismes du protocole de Kyoto est l'un des moyens de redresser la situation. La Russie a ainsi pris récemment la décision de reboiser 30 000 hectares. Les plantations de jeunes arbres se feront sur des terres agricoles qui ne sont plus exploitées.

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